Groupe franco-allemand fondé il y a exactement dix ans par le jeune artiste caméléon Philippe Matic-Arnauld des Lions, Eclipse Sol-Air pourrait bien être l’étoile montante de la scène progressive internationale. C’est en tout cas l’opinion de Frank Bornemann, tête pensante d’Eloy et producteur mondialement reconnu, à qui le groupe doit la réalisation de son dernier album, Schizophilia, en 2012. Un avis désormais aussi partagé par les promoteurs allemands, qui n’ont pas hésité à programmer Eclipse Sol-Air en première partie du grand Alan Parsons, à l’occasion de sa prestation dans le cadre prestigieux de la Loreley, au bord du Rhin, le 17 juillet dernier. Autour de Philippe et Mireille, les deux Français, le groupe au complet, ainsi que son manager, Hans Helmut Itzel, en profitaient pour répondre à quelques questions.
La Loreley,
Sankt Goarshausen, le 17 juillet 2014
Eclipse Sol-Air live @ Loreley 2014
Interview avec
Eclipse Sol-Air
Comment est né le projet Eclipse Sol-Air ?
Philippe
Matic-Arnauld des Lions – Tout a débuté comme pour n’importe quel groupe de
rock. Comme chaque petit jeune, j’avais commencé à jouer des reprises. En tant
que francophone vivant en Allemagne, je me suis mis à chanter des reprises de
Jacques Dutronc, des trucs français, pour changer. Mais on a vite compris qu’il
faudrait jouer notre propre musique. J’ai toujours aimé Genesis,
particulièrement les albums Foxtrot ou
Selling England by the Pound. C’est ainsi
que nous avons décidé de composer notre propre musique, et qu’elle devrait nécessairement
arborer un style progressif. C’était en 2004. Depuis, il s’est passé beaucoup
de choses, et cette année, nous célébrons notre dixième anniversaire. Sur Facebook, on a fêté ça en publiant
un à un les épisodes de notre histoire.
Chacun des membres du
groupe peut-il se présenter ?
Timur Turusov – Je
suis Timur, le guitariste. J’ai intégré le groupe en février. J’enseigne la
guitare, j’en joue et je compose.
David Bücherl – David,
le batteur. Je suis là depuis… un moment. La batterie c’est mon métier, que
j’exerce comme musicien de session au sein de différents groupes. J’enseigne
aussi la batterie dans une école spécialisée à Munich, qui s’appelle Drummer’s
Focus.
Miriam – Je suis
Miriam, la violoniste du groupe, que j’ai rejoint il y a seulement un mois.
J’ai 17 ans, je suis encore au lycée, en classe de onzième [l’équivalent de la
première en France]. J’ai joué dans plusieurs orchestres, dans un quartet, un
duo. Je suis des cours de musique classique.
Melina Mayer – Je
m’appelle Melina, la claviériste, et j’ai rejoint l’aventure en 2012-2013,
juste après l’enregistrement de Schizophilia.
J’étudie à l’école de musique de Munich et je travaille également comme
figurante au Bayerische Staatsoper.
Markus Himmer – Markus,
le bassiste. J’étais batteur dans un groupe qui vient de se séparer. Depuis, je
suis éducateur dans une école maternelle.
Mireille Vicogne – Mireille,
chanteuse et flûte traversière. J’ai appris au conservatoire, et à présent, j’enseigne
moi aussi mon instrument.
Philippe – Moi
c’est Philippe, chanteur et fondateur du groupe.
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Mireille, David, Philippe |
Philippe – Ecouter
Eclipse Sol-Air, c’est comme une clope ou un joint. Il faut l’écouter trois
fois. La première cigarette, tu la fumes et tu la rejettes aussitôt. La
deuxième, ça passe. La troisième, tu es déjà accro. Je dirais que c’est la même
histoire pour toutes les musiques progressives en général. Si tu ne veux pas
être accro, je te déconseille d’écouter plus de deux fois.
C’est trop
tard ! Mais comment se déroule le processus de
composition ? Chaque musicien crée-t-il sa partie ?
Philippe – En
principe, les idées sont développées en commun par l’ensemble du groupe. Chacun
apporte ses propres influences et sa propre histoire. Ça explique la variété de
notre son, je crois.
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Bartók’s Crisis (2011) |
Philippe – Il y a
quelques années, en effet, nous avons fait la connaissance de Hans Helmut Itzel,
qui est devenu notre manager. C’est lui qui, après avoir découvert le potentiel
d’Eclipse Sol-Air, a décidé de financer notre disque, Bartók’s Crisis. Jusqu’alors, nous avions les chansons mais pas
d’enregistrement professionnel. Bartók’s
Crisis est le premier album pro, vraiment présentable sur le marché, qui
nous a permis de ne pas rester bloqués au stade des démos. Grâce à ce disque,
Hans Helmut a réussi à convaincre Frank Bornemann, le leader d’Eloy, de
produire notre disque suivant, Schizophilia.
A présent, nous avons atteint un nouveau palier, un niveau vraiment international.
Le fait de produire ça dans un studio d’exception, Horus, à Hanovre, avec un
producteur d’exception, nous a beaucoup apporté.
Hans Helmut Itzel – C’est
exact. Quand j’ai contacté Frank Bornemann pour la première fois, je lui ai
expliqué que cette musique valait vraiment le coup. Il a écouté, nous en avons
discuté plusieurs fois et il s’est laissé convaincre.
Vous appartenez donc
aujourd’hui à son écurie, Artist Station ?
Philippe – Oui,
nous sommes un « groupe Artist Station », en tout cas pour le disque Schizophilia, Frank s’occupe
personnellement de nous.
Philippe – Tous
nos albums sont par principe des concept-albums, dans lesquels nous intégrons
beaucoup d’éléments personnels. Schizophilia
parle du cycle de la vie, de la naissance à la renaissance, pour ainsi dire. Nous
tâchons d’explorer toutes les émotions et les étapes de l’existence. Par
exemple, l’insouciance de l’enfance, puis les premiers coups du sort dans la
chanson Once Upon a Time. La
suivante, Destiny of Freedom, évoque
l’appel du vaste monde, quand on quitte pour la première fois son foyer. My Heart Belongs to You, c’est bien sûr
le thème du premier amour. Asylum peut
être considéré comme un premier contact avec les limites de l’âme, tandis que Watch Over You parle de l’expérience de la
mort de proches. La chanson est dédiée à Anna Kotarska, l’artiste qui a peint
la couverture de Bartók’s Crisis, morte
fauchée par automobiliste ivre. L’album se poursuit jusqu’à Final Time, qui revient à la naissance. Rien
que de vieilles questions philosophiques, en somme.
Mireille et toi chantez aussi bien en anglais, qu’en français et en allemand. N'est-ce pas un risque commercial, de ne pas se contenter de l’anglais, langue du mainstream ?
Philippe – Certes,
mais en Allemagne, la langue du pays connaît de plus en plus de succès. Quant à
l’anglais, et même au français, je pense qu’ils peuvent s’imposer partout. Cela
dit, Schizophilia se limite à ces
trois langues. Sur Bartók’s Crisis,
nous mélangions encore plus les idiomes, avec notamment le serbo-croate. J’ajoute
que nous faisons de toute façon du rock progressif. Si nous n’étions motivés
que par des considérations commerciales, nous ferions plutôt des hits calibrés
pour la radio.
A vos débuts, vous n’avez
pas hésité à jouer dans des centres commerciaux, comme le montre votre page
Facebook. Et maintenant, vous voilà en première partie d'Alan Parsons. Ça fait
quoi, comme impression ?
Mireille – C’est
fantastique. Je suis l’une de ses fans.
Philippe – C’est
qui Alan Parsons (rires) ?
Timur – Pour
Philippe surtout, c’est amplement mérité, compte tenu de tout son travail
depuis dix ans. Je tiens à le dire. Comme tu l’as précisé, Eclipse Sol-Air a
joué n’importe où, et il est bon que le groupe investisse à présent une scène enfin
adaptée à sa mesure. Cette musique a été écrite pour les grandes scènes.
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Melina, Markus |
Philippe – Je
suis musicien mais je gagne ma vie comme comédien. A Ratisbonne, j’occupe de
petits rôles à la télévision, tout ce que je trouve. Je pratique aussi le
théâtre de rue et la pantomime. Ces affinités avec le théâtre, je les intègre au
spectacle. Puis il y a la figure de Peter Gabriel, qui a inspiré pas mal
d’idées. Je me suis néanmoins donné comme objectif de le surpasser, si c’est seulement
possible. On verra si j’y arrive.
Timur – La musique
en elle-même a déjà des qualités très expressives. Elle appelle cette
théâtralité sur scène.
Philippe – Au
début, tout le groupe était plus ou moins costumé. Grâce à son travail à
l’opéra de Munich, Melina apporte toujours beaucoup : des idées, des
costumes. C’était également le cas de notre ancienne chanteuse, qui était aussi
étudiante comédienne. Le théâtre a toujours été présent dans nos spectacles.
Timur – Oui, il
s’agit de bien plus que de simple musique.
Melina – Le premier
nom du groupe était d’ailleurs Rock Theater.
Hans Helmut – Dans
le futur, c’est une direction que j’aimerais explorer : jouer dans des
salles où des gens s’assoient pour assister à u spectacle complet, à la fois concert
et pièce de théâtre. Mais sûrement pas un concert de rock ordinaire.
Philippe – C’est
tout le sens du genre art rock.
Philippe – Nous
allons simplement jouer un mélange des deux disques, Bartók’s Crisis et Schizophilia.
Avez-vous déjà
composé de nouveaux titres pour un prochain album ?
Philippe – Nous
avons toujours des idées créatives en stock. Mais en ce moment, nous devons
nous concentrer sur l’intégration des nouveaux musiciens, apprendre à nous
connaître, notamment sur scène, mais aussi trouver une remplaçante pour
Mireille, qui attend son cinquième ou sixième enfant, je ne sais plus (rires).
Mireille – Ooooh !
C’est le troisième ! D’ailleurs, on va voir comment ça va se passer ce
soir.
Philippe – Mais
les nouvelles idées dorment toujours dans un coin de nos têtes, et elles sont
toujours meilleures.
Au cours de ses dix
ans d’histoire, le groupe a connu un nombre impressionnant de changements de
personnel. Aujourd’hui, diriez-vous que la famille est enfin réunie ?
Timur – Nous
l’espérons.
Philippe – Depuis
le début, chacun suivait toujours une formation en parallèle, ou bien étudiait :
des situations qui entraînent forcément des déménagements ou des changements de
carrière. A côté de ces considérations, le groupe passait toujours au second
plan, évidemment. Il faudra toujours compter avec ce type d’événement.
Markus – Mais le
fait que nous soyons tous désormais basés à Munich ou dans les environs rend
les choses plus faciles. En outre, aux débuts du groupe, Philippe et les autres
étaient très jeunes. A 18 ou 20 ans, les choses évoluent encore très vite.
Timur – C’est un
âge d’immaturité. Désormais, la plupart d’entre nous sont beaucoup plus
stables. Du coup, le groupe lui-même a atteint une certaine maturité.
Hans Helmut – Je
manage Eclipse Sol-Air depuis quatre ans. J’estime à huit à dix ans le délai
dans lequel ils seront célèbres.
Philippe – Encore
10 ans comme ça ? Oh non (rires) !
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Markus, Philippe, Miriam |
Hans Helmut – Et
Mireille, maintenant aussi. Donc j’espère que tu n’auras pas six enfants,
Mireille !
Mireille – J’ai
tout fait dans les temps. Si nous sommes célèbres dans quatre ans, tout reste
envisageable !
Markus – Un
projet sur dix ans avec autant de monde impliqué ! Aucun autre groupe n’y
aurait survécu. Il doit y avoir quelque chose en cette musique qui fait que ça
a été possible.
Philippe – C’est
la dictature de l’art.
Hans Helmut – Je
ne me serais jamais lancé dans le financement de toute l’entreprise si je
n’avais pas perçu la capacité de Philippe à avoir une vision. J’admire les gens
qui ont cette faculté.
Philippe – Samedi
prochain, le 26 juillet, au Garage, à Munich.
Viendrez-vous en
France ?
Philippe – Nous
n’y avons joué qu’une seule fois. Pour le moment, les Français ne s’intéressent
pas à nous, on dirait. En tout cas, pas les promoteurs.
Mireille – Peu de
tourneurs s’occupent de ce genre de musique en France. J’en ai contacté
certains, mais peut-être trop tôt, à un stade où nous n’avions pas encore d’enregistrements
de qualité suffisante à faire valoir. J’imagine qu’il faudra recommencer à zéro,
retenter de les convaincre avec ce que nous faisons désormais.
>> Site officiel
>> samedi 26/07/2014, Garage, Munich
>> jeudi 04/09/2014, Coblence
>> jeudi 20/11/2014, Neunkirchen (Sarre)
>> vendredi 12/12/2014, Pforzheim
>> Site officiel
Prochains rendez-vous avec Eclipse Sol-Air
>> samedi 26/07/2014, Garage, Munich
>> jeudi 04/09/2014, Coblence
>> jeudi 20/11/2014, Neunkirchen (Sarre)
>> vendredi 12/12/2014, Pforzheim