Le Centre culturel
Muze de Heusden-Zolder était le théâtre de la sixième édition du petit festival
belge B-Wave. Un « petit » festival qui accueillait tout de même
Michael Stearns, l’un des papes de l’ambient,
en tête d’affiche, après avoir invité non moins que Robert Rich il y a trois
ans. Cette année, les Belges d’Aerodyn, les Allemands de Pyramaxx et le Norvégien
Erik Wøllo complétaient le programme.
 |
Michael Stearns live @ B-Wave Festival 2018 |
Heusden-Zolder (Belgique), le 1er décembre 2018
 |
Aerodyn |
Pas de chance. Aerodyn n’en avait plus que pour 10 minutes
lorsque je suis entré dans la salle où le groupe belge se produisait. La faute
aux gilets jaunes – en partie. Jan Buytaert, la moitié de The Roswell Incident,
Alain Kinet, la moitié de Thurim, et Philippe Wauman, sound-designer inclassable
derrière le projet Anantakara, s’étaient produits pour la première fois l’année
dernière lors du festival Cosmic Nights. Ils ne m’étaient donc pas étrangers. Mais
difficile, en dix minutes, de juger leur évolution.
 |
Onsturicheit / Alianna |
Mon retard, en revanche, ne m’a pas privé des petites
animations du foyer, où plusieurs instruments étaient en démonstration, dont d’énormes
systèmes modulaires Doepfer. Une petite scène était également aménagée pour
permettre à deux artistes belges de s’exprimer, Alianna et Onsturicheit. Tous
deux ont en commun de paraître un peu plus branchés que les musiciens de la
scène traditionnelle, plus âgés et plus bon-papas. Alianna, en fourreau lamé et
Onsturicheit (qui signifie « incontrôlable » en vieux néerlandais, « comme
ma machine », dit-il), look de dandy sophistiqué, s’intéressent à cette
scène seulement pour ses instruments
vintages.
Il y a en effet peu en commun entre leurs improvisations bruitistes et la Berlin School ou l’
ambient.
 |
Pyramaxx |
Pyramaxx est composé du synthétiste Axel Stupplich et du
guitariste Max Schiefele (alias Maxxess). La guitare, munie d’effets de délai,
s’est toujours bien mariée à la musique électronique. Ce n’est pas Manuel Göttsching
qui dirait le contraire. La musique de Pyramaxx ressemble par certains côtés à
celle de Pyramid Peak, le groupe d’Axel Stupplich, mais tout se passe comme si
ce dernier avait écarté les aspects Berlin School qui sont encore très présents
chez Pyramid Peak, notamment les séquenceurs, pour ne conserver, au côté de Max,
que les parties les plus rock. C’est donc du rock électronique qu’on entend ici,
avec basse et batterie de synthèse, en playback. On se rapproche du travail de
FD Project ou Ron Boots.
 |
Erik Wøllo |
Contre toute attente, le
beat
va aussi jouer un rôle important chez Erik Wøllo. Guitariste avant tout, mais
aussi à l’aise derrière les synthés, le Norvégien s’est fait connaître avec ses
atmosphères à la frontière du New Age. J’étais peu familier de sa musique, mais
ses collaborations avec Ian Boddy et Steve Roach laissaient penser qu’il
explorerait les mêmes chemins. Ce fut le cas pendant la première demi-heure, minimaliste
et planante, avant que les percussions ne fassent leur entrée et, en ce qui me
concerne, ne ruinent en partie son concert. Affaire de goût, sans doute, mais
la batterie électronique est un vrai problème. C’était aussi le cas dans le set
précédent.
 |
Michael Stearns live @ B-Wave Festival 2018 |
Selon Gabriele Quirici, Michael Stearns fait partie des
quatre artistes fondateurs de la musique
ambient
avec Kevin Braheny, Steve Roach et Robert Rich. Il en est même,
chronologiquement, le plus ancien. Né en 1948, il a publié son premier album,
Desert Moon Walk, en 1977. Braheny, de
quatre ans plus jeune, a débuté quant à lui sa carrière discographique un an
plus tard, tandis que Roach (né en 1955) et Rich (né en 1963) ont tous deux sorti
leur premier disque en 1982.
Michael Stearns a assisté aux concerts du jour, et il n’a pas
pu s’empêcher de remarquer lui aussi que le
beat y avait été omniprésent. Aussi s’excuse-t-il par avance du fait qu’il n’y aura pas
autant de quoi se trémousser avec lui. « Il n’y aura même pas grand-chose à
voir, ajoute-t-il. A part moi, derrière mes consoles, en train de produire des bruits
bizarres ». Et de fait, c’est bien de cela qu’il s’agit.
Son
Planetary
Unfolding, sorti en 1981, fait partie des classiques de l’ambient. Selon
moi, il s’agit même de l’un des disques les plus importants de la musique
électronique dans son ensemble. Les textures très riches et les puissants
accords qui caractérisaient cette œuvre sont bien présents lors du concert,
jusqu’à un final hallucinant, qui m’a beaucoup rappelé le crescendo auquel s’était
aussi adonné Ian Boddy en 2013 dans cette même salle. Même si l’ensemble du set
manque un peu d’unité, semble parfois décousu, Michael Stearns montre qu’à 70
ans, il fait encore partie des artistes les plus intrigants et les plus
impressionnants du genre.
Alors que la première édition du B-Wave Festival n’avait pas
atteint les 100 spectateurs, celle-ci, la sixième, a doublé son audience, après
une croissance constante. C’était la dernière fois que le Centre culturel Muze
accueillait la manifestation. L’année prochaine, elle aura lieu à quelques
kilomètres de là, dans un lieu déjà bien connu des festivaliers : la Luchtfabriek de Heusden-Zolder, qui s’est agrandie cette année, avec l’adjonction d’un nouveau
bâtiment dédié aux spectacles.
Johan Geens, l’organisateur, a déjà de nombreux projets très
ambitieux, mais encore secrets. Il peut compter sur le soutien financier du
gouvernement de Flandre. « S’il y a une chose qu’ils ont bien fait ces
derniers temps, dit-il, c’est bien cela ! ». On peut lui faire
confiance. N’a-t-il pas réalisé le coup de maître d’inviter Robert Rich il y a
trois ans ? Nombreux sont ceux qui s’accordent sur ce point : les
deux festivals belges, Cosmic Nights, fondé par Mark De Wit, et B-Wave,
organisé par Johan Geens, proposent une programmation toujours passionnante et
toujours renouvelée, ce dont les concurrents allemands et néerlandais ne
peuvent pas toujours se prévaloir.
 |
La projection vidéo derrière Michael Stearns fait penser à une nouvelle version de Koyaanisqatsi |